Karaté
Le karaté (initialement Okinawa Te) a pour berceau Okinawa, l’île principale de l’archipel éponyme. L’archipel fut pendant fort longtemps de jure un royaume vassal de la Chine mais bénéficiant de facto d’une quasi-indépendance. Le royaume de Ryūkyū – tel était son nom – dirigé par le deuxième clan Shō, reconnaissable au symbole du mitsudomoe, fut alors envahi en 1609 par les Japonais et annexé officiellement en 1879 par l’Empire du Soleil levant. Dès lors que les lois japonaises entrèrent en vigueur sur l’île, les habitants d’Okinawa n’eurent guère plus le droit de porter leurs armes. En effet, au Japon, depuis la promulgation, en 1588, d’un décret par le daimyo Toyotomi Hideyoshi visant la noblesse des provinces, laquelle en sa qualité de « contre-pouvoir » pouvait devenir un obstacle vers la mise en place d’un régime toujours plus « centralisateur », il était devenu, selon l’autorité impériale incarnée par le daimyo, punissable de conserver des armes chez soi. À Okinawa, face aux lois imposées par cet inique décret, des habitants, des hommes du peuple, entrèrent en « résistance intérieure » en se réappropriant des traditions martiales chinoises et japonaises et en s’initiant aux techniques d’autodéfense à mains nues dont le karaté – tel qu’il fut nommé plus tard et qui a pour sens « voie de la main vide » – fut le fer de lance. À cet égard, la pratique de l’art étant interdit par l’occupant japonais, les habitants de l’île s’entraînaient le plus souvent la nuit. À une époque telle que la nôtre où les autorités politiques ont une propension à délester les citoyens de leurs armes, savoir se battre à main nue, à la manière d’un karatéka accompli, fait tout son sens.
En raison des qualités intrinsèques du karaté, peu s’en fallut de temps pour que les Japonais n’adoptassent cette pratique d’autodéfense. En effet, lors d’un voyage en 1922, Gichin Funakoshi fit connaître le karaté okinawaien dans la capitale nippone. Lors d’une démonstration restée célèbre, Funakoshi démontra les qualités de son art au monde très sélectif des budō. Ainsi, le karaté acquit ses lettres de noblesses auprès d’autres grands Sensei, tel que Jigoro Kano qui lui demanda d’effectuer une démonstration dans son dōjō. En peu de temps, le karaté était devenu tellement populaire qu’il était impossible pour Funakoshi d’envisager de retourner dans l’archipel d’Okinawa ; dès lors, face à l’appétence de nombreux japonais, il décida de diffuser l’art de la main vide depuis la capitale japonaise.
Le karaté se caractérise par ses atemi (frappes avec les mains, les coudes, les genoux, les pieds, etc.) ; c’est ce qui le différencie de l’aïkijūjutsu. Dans le karaté de type Wadō-Ryū (« voie de la paix ») fondé par Hironori Ōtsuka Sensei (1892-1982) – l’un des premiers élèves de Gichin Funakoshi à Tokyo – les techniques, les projections et autres esquives sont plus nombreuses que dans d’autres styles. Avec sa garde plus haute en comparaison avec le karaté de style Shōtōkan, par exemple, l’enseignement du karaté de tradition Wadō-Ryū, s’il n’est certes pas une obligation pour l’apprentissage de l’aïkijūjutsu, il est, nonobstant cela, bénéfique – pour ne pas dire recommandé – à l’élève d’aïkijūjutsu désireux de frapper juste et fort, de polir ses attitudes et d’affiner son aptitude.
Dès le début de l’enseignement, Raphaël Geiser Sensei ne se fait pas faute d’attribuer une large place à l’apprentissage des kihon (techniques, postures et déplacements de base), des kata (techniques enchaînées prédéfinies sous la forme d’un combat multidirectionnel contre des adversaires imaginés) et des kumite kata (mise en application avec un partenaire des techniques étudiées en solo) qui sont le scabellon de la discipline, l’une des caractéristiques inhérentes au Wadō-Ryū, lesquels permettent à l’élève de s’améliorer physiquement et psychiquement. En plus d’améliorer nos postures, notre coordination, notre motricité ainsi que notre souplesse, l’assimilation des différents kata nous permet de simuler différentes situations possibles de combat en karaté, en guise de prélude à la pratique des bunkai, le stade supérieur, celui de la création de scénarios (interprétation des techniques avec un partenaire non « conciliant » afin de ne pas se laisser cloîtrer dans un même schéma, carcan, auquel cas cela pourrait être le revers de la médaille d’un kata arrêté à la première lecture de sa technique, sans aucune idée de prolongement possible).